Jules Vallés : « Quand les femmes s’en mêlent, quand la ménagère pousse son homme, quand elle arrache le drapeau noir qui flotte sur la marmite pour le planter entre deux pavés, c’est que le soleil se lèvera sur une ville en révolte »
Après la lecture de Aline-Ali d’André Léo, j’ai souhaité en savoir plus sur cette auteure. Je me suis donc adressée à l’association André Léo. Par ce biais, j’ai pu lire la thèse de Fernanda Gastaldello sur André Léo.
André Léo de son vrai nom Léonie Béra est née le 18/08/1824 à Lusignan. Elle est journaliste, puis écrivaine. Elle vient de la moyenne bourgeoisie. Elle reçoit une éducation à l’esprit ouvert sur le monde paysan, l’importance des études, la place de l’homme dans la cité. Ce qui lui forge une première réflexion sur ces contemporains. Elle se marie avec Pierre-Grégoire Champseix, ancien rédacteur de la « Revue Sociale » et de « L’Éclaireur du centre » deux feuilles libérales. *
Sa pensée évolue, se construit au fil des ans. Elle revendique l’importance de la liberté pour les individus.
Elle pense et dit : « tout homme qui respecte les membres de leur famille pourra réaliser la démocratie dans la société »
« l’infériorité des femmes n’est pas un fait de nature, c’est une invention humaine »
« En diminuant la femme, on diminue le potentiel de la société toute entière »
Elle joue un grand rôle dans la Commune au côté de Louise Michel et bien d’autres femmes qui souhaitent changer la société. Et par là même que la place de la femme évolue.
« … la révolution est la liberté et la responsabilité de toute créature humaine, sans autre limite que le droit commun, sans aucun privilège de race ni de sexe… »
Dans ses écrits, elle parle de la création d’un journal « l’Agriculteur » **
Elle comprend la nécessité de s’adresser à toutes les catégories de la société. La révolution est en marche. André Léo combat pour la vérité et pour la justice. Pour la liberté de « l’Homme ».
En 1871, ce sont les conservateurs qui dominent. Leur propagande est organisée. Ils sont soutenus par le clergé. Elle crée, alors le journal « La Socialiste » avec Anna Jaclard. Malheureusement, il ne dure que 48 numéros. Faute de diffusion, d’interdit.
Avril 1871, le comité des citoyennes s’organise au cours de la Commune. Avec à leur tête André Léo. La révolution continue. Les femmes désespèrent d’être à côté des révolutionnaires. Ils apprécient leur venue, leur aide et leur réconfort moral, mais ils ne sont pas entendus.
Peu d’hommes comprennent et acceptent la place revendiquée par la femme. Les dirigeants (haut gradés, chirurgiens) à l’esprit bourgeois, autoritaire et mesquin ne l’entendent pas de cette oreille. Ils les dirigent vers l’église qui s’empresse de leur promettre un monde meilleur dans l’au-delà. Elles sont pour la plupart reconduites chez elle, insultées et bafouées.
Les attaques sont cinglantes : Parole de fédéré, héros qui voulait que d’une vie noble et libre : « Encore une fois la cause du peuple succombe. Encore une fois la justice nous est refusée, et nous retombons dans l’esclavage. Eh bien, non, dans la mort plus tôt ! Dans la mort ! Dans la mort »
Comme bien souvent, dans les révolutions, les femmes sont oubliées. Refuser ainsi la contribution des femmes, c’est lui refuser ses droits à la citoyenneté, à la liberté, à l’égalité. Certains socialistes pourtant, comme Benois Malon reconnaissent l’importance des femmes dans la Commune au travers de textes édifiants et élogieux. Le mouvement socialiste en route pour la libération du prolétariat parle aussi de la liberté de la femme. Malheureusement tous les socialistes n’évoluent pas le même jour ! Qu’à cela ne tienne, rien n’arrête André Léo, Louise Michel et bien d’autres afin de réclamer leurs droits. La révolution de 1871 voit un grand nombre de femmes se réunir pour former un mouvement. Cela fera date dans l’histoire…
André Léo écrit une trentaine de romans et quelques traités où elle expose son opinion personnelle sur la société de l’époque. Elle parle des différents milieux sociaux (aristocratie, bourgeoisie, clergé).
André Léo est une personne entière et passionnée ce qui fait dire qu’elle est inflexible et catégorique. Les critiques ne manquent pas concernant certains passages niais de ses livres. Au contraire, c’est une volonté politique de sa part. Elle avait compris l’utilité des mots sur son public et comment elle pouvait atteindre les consciences. La nécessité de l’instruction pour le peuple est l’un des idéaux phares d’André Léo.
Le rôle de la femme dans la société ne date pas d’aujourd’hui. Mais c’est au moment de la révolution en 1789 qu’il commence à évoluer, même si cela reste très limité. Puis vient 1871 où il prend son envol.
Grâce aux écrits d’André Léo, je m’aperçois du chemin parcouru par ces pionnières. Toutes ces femmes qui sont pour moi, un exemple.
À vous les hommes, à vous les dirigeants qui bafouent un peu plus chaque jour les acquis des femmes :
Aimer et respecter la femme. Redonnez-lui sa place en tant qu’appui, force et inspiration. Ce qui doublera la puissance de l’homme tant au niveau intellectuel que moral. Chassez de votre pensée toute idée de supériorité à son égard et de sa part. Il faut juste voir l’être humain. Ensemble nous formons l’humanité. Pour arriver à ce principe, seule l’éducation du petit enfant le permet. Sans cela l’humanité se prive des progrès, de l’évolution intellectuelle de l’homme. Faute d’instruction, de réflexion, nous restons sous la main mise de quelques despotiques représentants le pouvoir, politiques, et des fanatiques religieux. Le combat de la Commune par la liberté, l’égalité et la justice est d’actualité. Le mot unité des écrits d’André Léo résonne à mes oreilles pour 2012.
*À cette époque le mot libéral se voulait de gauche.
**Je pense qu’elle a été l’inspiratrice du journal « La Terre » journal de gauche en direction du monde de la paysannerie.
Pensées philosophiques d’André Léo
« Ma sœur, j’ai rompu vis-à-vis de toi le silence insensé que gardent les femmes les plus malheureuses vis-à-vis de leurs propres filles. Tu es avertie, garde-toi ! Plus tu es intelligente, fière et tendre, plus tu souffriras. Dans ce duel, si ancien déjà, de la liberté et du despotisme, au sein de nos civilisations fières de leurs progrès, le mariage est la forme la plus absolue et la plus complète de ce viol de l’être qui se nomme la tyrannie! »
« Si vous n’êtes ni pour Dieu ni pour le diable, s’écria le peintre, au nom de quoi, s’il vous plaît, condamnez-vous le plaisir? »
« Vous voulez dire son exclusive recherche ? Au nom de la dignité humaine, au nom de jouissances plus vraies, qui résultent de l’accord de toutes les puissances de l’être, et de leur expansion vers la justice et la vérité. Ni le paganisme, que le christianisme enchaîna, mais ne tua point, et qui lutte encore, tout vieux qu’il est , contre le vainqueur ; ni le christianisme, expirant à cette heure, n’ont respecté l’unité de l’être humain. Ce que vous nommez plaisir n’est point la vie ; l’idéal chrétien ne l’est pas non plus. La vraie vie, sérieuse et forte, tissée tout ensemble de joies, de devoirs, de douleurs, de travaux, d’aspirations, est l’exercice harmonique de toutes nos forces et de toutes nos facultés. Le plaisir seul abrutit ; la douleur seule tue. Le bonheur est sur les sommets courageusement gravis ; c’est la fleur embaumée de toute œuvre qui, plongeant dans le sol de fortes racines, s’épanouit sous le ciel, trop haut pour être aperçue de ceux qui rampent. »
« Il y a dans toute affection, amour ou amitié, deux degrés, dont le second est atteint rarement, l’amour et l’amitié vulgaires n’étant que la rencontre de deux égoïsmes qui cherchent leur joie, soit dans la satisfaction d’être aimé, soit dans le plaisir plus intellectuel de la recherche du beau dans l’être humain. Dans ce dernier cas, au bout d’un temps plus ou moins long, cet amour prétendu, qui n’était autre qu’une curiosité supérieure, est tué par la connaissance.
« Dans le premier cas, l’amour ne meurt point, par la seule raison qu’il n’était pas né ; dès que les deux égoïsmes en compétition ont débrouillé leur quiproquo, aux effervescences de la passion succèdent l’emportement de l’amour-propre trompé, le ressentiment, la haine ; à l’ode succède l’élégie. C’est alors qu’on maudit la nature humaine, sa perfide, son insuffisance, et qu’on emporte pour consolation sous la tente, avec sa blessure, la satisfaction secrète de sa supériorité … »
ANDRE LEO (Béra Léodile, 1824 – 1900) ALINE – ALI présenté et annoté par Cecilia BEACH, Caroline GRANIER et Alice PRIMI. ED: APC – Cahier du Pays Chauvinois – Association André Léo.
Claudia