20 avril 2024

Pourquoi tout va s’effondrer de Julien Wosnitza

Diplômé en finance et ancien banquier, Julien Wosnitza s’est politisé en 2016 avec Nuit debout. C’est à travers ce mouvement qu’il découvre les luttes écologiques comme celles de Notre-Dame des-Lances ou de Bure. Il s’engage ensuite au sein de l’ONG Sea Shepherd pour plusieurs missions, lui aidant à prendre conscience que notre civilisation est en danger de mort. A tout juste 24 ans, il publie son premier ouvrage, « Pourquoi tout va s’effondrer ? », aux éditions Les Liens qui Libèrent. Un livre passionnant sur la catastrophe environnementale qui a déjà commencé, qui tente d’apporter de modestes solutions. Nous l’avons sollicité afin qu’il nous éclaire sur ce qui risque de nous mener au désastre et ce que nous pourrions mettre en œuvre pour l’éviter.

 

« Tout va s’effondrer. Ce n’est pas une intuition mais une réalité. Tous les faisceaux d’indices, toutes les publications scientifiques, toutes les observations concordent : notre civilisation court vers un effondrement global. […] Et que fait-on ? Rien ! Ou presque rien. Pire, nous croyons encore pouvoir résoudre ces crises fondamentales par le système qui les a précisément engendrés », nous prévient Julien Wosnitza. Le constat n’est pas nouveau. Depuis quelques années, la “collapsologie”, science de l’effondrement de notre civilisation industrielle, est de plus en plus populaire. Pablo Servigne, co-auteur avec Raphaël Steven de Comment tout peut s’effondrer (Seuil, 2015) et réalisateur de postface de Pourquoi tout va s’effondrer, n’y est pas étranger. Mais cet « appel à agir avant qu’il ne soit trop tard » réussit l’exploit d’apporter un regard neuf sur la question.

Le Média : Diplômé en finance, vous n’étiez pas destinés à être militant écologiste : comment s’est opéré le déclic ?

Julien Wosnitza : Justement, après avoir étudié l’économie et la finance plus ou moins profondément, je me suis rendu compte qu’il s’agissait d’un système complètement hors-sol. L’économie telle qu’enseignée en école de commerce n’a absolument rien de réel, pour la simple et bonne raison qu’elle ne prend jamais en compte la finitude des ressources : on fait la course à la croissance, alors qu’une croissance infinie dans un monde fini est impossible.

Selon vous, l’effondrement est inévitable, nous pouvons seulement « limiter la hauteur de la chute », pourquoi ?

Parce qu’absolument tous les éléments de notre vie sont interconnectés, et que tout est dans un état d’équilibre extrêmement précaire. On est à l’aube de réactions en chaîne d’ampleur encore jamais vues. Les exemples sont divers et vont de la fonte des glaces jusqu’à notre consommation quotidienne. C’est vraiment lorsque j’ai compris que tout est interconnecté que j’ai compris qu’aucune solution ne pouvait nous éviter un effondrement.

Par contre, il y a des actions qui peuvent limiter la hauteur de chute de l’effondrement : développer la permaculture, stopper la consommation d’animaux, dépolluer les océans…

Nous savons depuis au moins 1970 et le rapport « Halte à la croissance ? : Rapport sur les limites de la croissance » du Club de Rome que notre mode de vie est nocif, pourtant rien n’a été fait depuis. Pourquoi la prise de conscience n’a pas été suivie d’actes concrets ? La croissance est-elle la nouvelle religion de notre société ?

Avec une croissance de 3% par an, notre consommation double tous les 23 ans. Globalement, depuis que je suis né, l’humanité consomme deux fois plus de ressources. Le problème c’est qu’on vit sur une grosse boule au milieu du vide intersidéral, et que cette boule n’est pas extensible.

Dennis Meadows, l’auteur du rapport au club de Rome en 1972, nous a déjà prédit un effondrement aux alentours de 2030, et malheureusement ses calculs, actualisés régulièrement, sont quasiment parfaitement justes jusqu’à aujourd’hui.

Pourquoi rien n’a été fait ? Parce qu’il faudrait diviser par 10 notre niveau de vie d’Occidentaux, et qu’aucun politique ne sera jamais élu avec un programme ayant pour but de vivre comme un Tibétain ou un Bhoutanais.

Selon vous, les initiatives individuelles ne sont pas la solution. Vous pointez aussi les blocages politiques. D’où peut venir le changement selon vous ?

 

 

 

 

 

Pour moi le changement ne viendra tout simplement pas. J’ai arrêté de me faire des illusions il y a bien longtemps. Allez faire comprendre aux américains de diviser leur mode de vie par 15 !

Les initiatives individuelles du quotidien ont du sens uniquement si elles sont coordonnées, et c’est cette coordination que nous n’avons pas : on voit bien la difficulté et le temps nécessaire pour faire changer les mentalités, ne serait-ce que sur le sujet de la viande.

On veut tous changer la planète, mais on ne veut pas avoir de coupures d’électricités, on ne veut pas de rationnement, et on veut de la viande et du poisson régulièrement. Tant que ça tient ça va, mais la chute va faire mal.

Si jamais on veut du positif, le changement (s’il vient) viendra des ZADs, des permaculteurs, des initiatives de dépollution… Mais l’état ne soutien réellement aucune de ces initiatives.

On commence quand ?

La question du progrès technique est absente de votre livre. N’a-t-il pourtant pas joué un rôle déterminant ? La question d’une technique “conviviale” et du “low-tech”, pour reprendre le terme de Philippe Bihouix, est-elle importante ?

On a l’habitude de se cacher derrière le fameux « On trouvera bien quelque chose » pour justifier nos propres inactions.  Même si on « trouve quelque chose », comprenez par-là une avancée technologique permettant de limiter grandement la chute, il faudrait le temps de la mettre en place à grande échelle, la capacité industrielle de le faire et surtout les matériaux nécessaires à cette production.

On me parle régulièrement de la fusion nucléaire comme la solution à tous nos problèmes, sauf que non, ce serait une solution pour l’approvisionnement électrique, rien d’autre.

Et l’autre problème dans le fait de s’en remettre toujours à la technologie, c’est que celle-ci est demandeuse de métaux rares, dont nous allons bientôt tomber à court.

Dans ce contexte, une approche low-tech est donc primordiale : apprenons de la nature et imitons là, creusons nos cerveaux plutôt que des puits de pétrole.

Depuis ce 5 mai, la France est en dette vis-à-vis de la Terre ? Dans son programme de 2017, la France insoumise proposait une “règle verte” interdisant de prélever à la Terre plus que ce qu’elle est capable de fabriquer. Comment jugez-vous cette mesure ?

Que c’est une excellente mesure sur le papier. En pratique c’est quasiment injouable, sans diminuer notre niveau de vie par un facteur que les Français n’auraient jamais accepté.

Et puis on aurait pris quoi comme référentiel ? La surface de la France ? On n’a ni pétrole, ni gaz, ni charbon en France : on aurait du coup arrêté toute activité liée à ces trois énergies ?

Si on avait pris le référentiel “Monde”, on aurait pris notre part au prorata de la population mondiale ? Ça aurait conduit à rationner tout le monde à des niveaux de vies bien inférieurs à ceux actuels. Et puis on aurait pris quel référentiel de temps ? « Ce que la Terre est capable de fabrique » certes, mais quand ? En 1900, la Terre était capable de produire beaucoup plus de phytoplancton qu’aujourd’hui, alors qu’aujourd’hui on a tué 99,6% des baleines bleues. Jadis, les populations d’animaux sauvages et surtout de poissons étaient bien plus conséquentes qu’aujourd’hui, donc elles se régénéraient beaucoup plus vite qu’aujourd’hui.

La France Insoumise avait de loin le programme écologique le plus ambitieux de ces élections, mais malheureusement bien loin des réalités. Disons que ce programme était le moins fou parmi des programmes indécents écologiquement.

Je remercie le Médiapresse pour cet article. Ce jeune a tout à fait raison d’énoncer la vérité. Aussi cruelle soit-elle. J’espère qu’elle fera bouger les gens !

Claudia

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