24 avril 2024

Jerry, chien des îles de Jack London

Jerry, chien des îles, est l’un des derniers romans de Jack London. Il a pour cadre les îles du Pacifique où l’écrivain à la fin de sa vie navigua. Le livre est paru après le décès de celui-ci intervenu le 22 novembre 1916.

On y retrouve ses thèmes de prédilection : les îles Salomon où l’auteur a séjourné avec son épouse, Charmian London. Les coutumes des autochtones. Le chien, en tant que héros. Sans oublier le côté sombre de l’Homme.

Dans l’avant-propos, il évoque les réactions qui l’accusent d’affabuler sur le cannibalisme, où malheureusement la réalité dépassait en 1915 la fiction.

Dans la collection 10/18, la préface est de Francis Lacassin.

Jerry, jeune terrier au poil fauve, est arraché à ses parents élevés par le maître de la plantation et à son frère Michael, qui lui deviendra chien de cirque. Ces chiens sont très convoités, car dressés pour chasser « le nègre ». Il est alors confié au capitaine Van Horn, qui voyage d’île en île pour assurer le trafic des esclaves afin de les acheminer vers leur lieu de travail et les ramener une fois le contrat terminé. Personnage violent et tourmenté par un passé tragique, il se prend d’affection pour ce chiot qui ne désire qu’aimer et servir son Dieu blanc. Cependant, la vie à bord d’un bateau négrier est loin d’être tranquille. Jerry, bien que petit, devra vite apprendre à ruser pour rester en vie.

Malheureusement, son maître va être massacré au cours d’une révolte d’esclaves. Jerry sera alors baladé de main en main avec une dure réalité. Une longue épreuve l’attend avec le chef de tribu, Bashti, d’une cruauté infinie. Grâce à son intelligence, Jerry encore une fois s’en sortira. Il apprendra le langage sténophonique avec le vieux Nalasu qui est aveugle. Après la mort violente de celui-ci, le chien devenu grand s’enfouit, n’hésitant pas à se jeter à la mer. Lieu de tous les dangers. Et, à nager en direction du seul bateau à l’horizon. Il est recueilli par de riches navigateurs Villa et Harley Kennan. Avec eux, il apprendra à revoir son jugement concernant les noirs.

À travers les yeux de Jerry, nous abordons la sensibilité de l’animal. Ses émotions douloureuses à la perte de l’être cher. Ses moments de doute, de solitude et enfin de joie partagée où l’espoir renait. Par son amour des chiens, Jack London amène le lecteur à réfléchir sur la place donnée à l’animal dans la société.

« Mais les chiens étant des chiens avec leur manière floue, inarticulée, brillante et héroïque d’adorer les humains en se méprenant sur leur valeur, les chiens pensent à leur maître et aiment leur maître plus que les faits ne le justifient. » Jack London

J’ai retrouvé dans ce roman, la fine plume de Jack London que j’apprécie tant. Les aventures dangereuses que vit Jerry. Les caractères des personnages humains et la description des paysages. Tout m’a enchanté, même si je reconnais que j’ai dû m’accrocher dans certaines scènes. C’est un roman dur. Aucun des humains n’est réellement sympathique (à l’exception du couple qui sauve Jerry, image à peine cachée de l’écrivain et de sa femme). Jack London décrit l’époque avec beaucoup de réalisme. N’hésitant pas à employer les termes : les Dieux (blancs), les demi-dieux (blancs), les sans-intérêts (noirs gentils) et les ennemis (noirs méchants).

« Je vais en tirer quelque chose de frais et vif, avec une psychologie canine qui ira droit au cœur des amis des chiens et droit au cerveau des psychologues qui, d’habitude, sont des critiques sévères de la psychologie canine », écrivait London à son éditeur en 1915.

Jack London s’interroge aussi sur le mystère de la mort et de l’existence. Né le 12 janvier 1876 à San Francisco, Jack London connaît une enfance misérable et entame à quinze ans une vie d’errance. Il exerce de nombreux métiers pour survivre : marin (jusqu’au Japon et en Sibérie), blanchisseur, ouvrier dans une conserverie de saumon, pilleur d’huîtres, chasseur de phoques, employé dans une fabrique de jute… Après avoir participé à une marche de chômeurs vers Washington, il adhère au socialisme. Devenu vagabond, il est arrêté fin 1894 et passe un mois dans un pénitencier. En 1897, il participe à la ruée vers l’or du Klondike. Atteint du scorbut, il est rapatrié. C’est le début de sa prolifique carrière d’écrivain. À sa mort en 1916, des suites d’un empoisonnement du sang, il laisse une œuvre réduite à quelques livres pour enfants. Il est vraiment regrettable que Jack London ne retrouve pas toute sa place en tant qu’auteur majeur du XXe siècle.

Claudia

 

 

2 réflexions sur « Jerry, chien des îles de Jack London »

  1. Oh grand merci pour ce superbe billet pour mettre à l’honneur cet auteur méritant.
    Tu nous as remarquablement bien présenté ce livre
    Je vais m’empresser de le lire. Je pense qu’il est à la bibliothèque et j’y vais cet après midi avec mon petit-fils
    Bizzz

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